La Transat

Publié le par filou-from-mars

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Départ le 2 septembre 2012, 18h13 de Mindelo, Cap Vert.

Nous avons passé un mois merveilleux dans ces îles perdues au milieu de l'Atlantique.

 

L'équipage se constitue de Emmanuelle (Manue), Boris (103), Gilles (Caribou), Thomas R (Rocky), Thomas B (Bruch), Jean-Marc (Jam), et moi.

Nous sommes sept.

Sept sur Filou, 37 pieds, 2300 miles à parcourir à travers l'océan Atlantique. C'est notre première grande traversée.

Sept équipiers, il nous faut de l'eau, il nous faut à manger en quantité suffisante, il nous faut évaluer les besoins en gasoil.

Nous avons pris 400 litres d'eau dans le tank et 450 litres d'eau potable en bidon de 5 litres répartis un peu partout dans le bateau.

Nous prenons du gasoil, beaucoup de gasoil, au cas où…. 400 L. Filou en consomme 2,5l / heure moteur en avançant à 5 noeuds de moyenne.

20 kg de pâtes, 10 kg de riz et 5 kg de semoule, 3 kg de blé, de la purée mousseline et des boîtes de conserve. Des céréales, des gâteaux, du nutella et des biscottes.

Filou est chargé comme il ne l'a jamais été. On s'est demandé jusqu'à quel poids de charge il peut continuer de flotter. Nous avons cherché des formules de rapports de poids et de volume auxquelles nous n'avons rien compris. Il flotte, on équilibre le poids. Cela a l'air de passer. La ligne de flottaison est beaucoup plus haute que d'habitude mais il va s'alléger en route.

Ces quelques jours précédents, nous avons préparé le grand départ. Quelques caipirhinas, beaucoup de météos, beaucoup de courses, de réparations, d'arrangements et réarrangements.

 

La fenêtre météo semble bonne, nous partons en fin de journée le 2 septembre.

Sept partis du Cap Vert, destination Brésil, Rio ou Bahia, on verra en cours de route. On part pour naviguer sans voir la terre entre 15 et 25 jours.

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La première soirée, puis la première nuit. Les quarts sont organisés.

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Le rythme s'installe rapidement, sept à bord, les quarts sont peu fatiguant. Nous faisons 2h30 en coeur de nuit, et 3h en journée. Toujours à 2.

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Pas de vent pour les 30 premières heures de traversée. Le moteur tourne sans discontinuité. Le vent se lève plus rapidement que prévu, on peut hisser les voiles.

 

Une longue traversée, on en garde des bribes en mémoire, des moments mais la chronologie s'efface. C'est un espace clos et intemporel.

Les transats se font habituellement plus tard dans l'année. En septembre, deux « particularités » à gérer: la zone de passage des cyclones qui partent vers les Antilles et le fameux « pot au noir ».

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Nous avons un bon système pour récupérer la météo grâce à notre équipement satellitaire, l'IPad et une équipe à terre. JB et Delphine nous envoient un message toutes les 6h les 5 premiers jours afin de nous alerter de l'existence ou non d'une onde tropicale ou pire de la formation d'un cyclone (merci beaucoup à eux).

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Pour minimiser notre temps dans la zone à risque, nous filons plein sud pendant les 6 premiers jours de la traversée. Pas très logique quand on sait que le Brésil est globalement à l'Ouest. Cela permet de sortir au plus tôt de la zone de formation des cyclones.

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La zone de convergence intertropicale, le fameux 'pot au noir' n'est pas loin du Cap Vert. C'est une zone où il y a peu de vent. Quand il y en a, il est irrégulier et change de direction… on ne sait pas quand nous l'avons vraiment passé… au début? les 2 premiers jours? au bout de 5 jours? pas de vent puis des gros nuages, gris, noirs, chargés de pluie autrement dit des « grains ». C'est la description que nous en avions et c'est ce que nous avons vécu au début de la traversée.

 

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Après cette zone, on se retrouve avec le vent de face, les vagues aussi, on fait du près… ça tape dans le bateau. Ce n'est pas bien confortable mais personne n'a été vraiment malade, la mer n'ayant jamais été trop mauvaise.

Au bout d'une semaine de ce régime, le vent faiblit. Nous sommes à 80 milles des alizées qui nous porteraient directement vers le Brésil. Après 24h avec un cap de plus en plus à l'Est, nous remettons le moteur pour une journée ce qui nous permet d'avancer dans la bonne direction. A la grande déception des puristes...

Nous virons de bord, le seul véritable de la traversée. Manue est à la barre. Nickel. Les alizées nous portent enfin. La mer n'a jamais été très forte et nous n'avons pas eu plus de 30 nœuds, pas de frayeur. Le 3ème ris et la trinquette nous ont permis de garder le contrôle et un minimum de confort les rares moments où le ciel s'assombrissait.

 

Jeudi 13 septembre à 6h24, Filou passe pour la première fois de sa vie l'équateur et se retrouve dans l'hémisphère sud.

Certains se sont amusés à vérifier la théorie de Mr Coriolis... à priori ça marche.

Une bonne bouteille de vin pour fêter ça.

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Nous avons eu des nuits étoilées avec du vent constant, ces fameux alizées que nous prenons de travers. Filou file tranquillement entre 5 et 7 nœuds, le sommeil des équipiers en cabine respecté.

Il y a eu des soirs où les quarts étaient silencieux, d'autres où les langues se délient.

Les prises de quart Rocky ont été l'objet de plans machiaveliques. Bruch l'a réveillé quasi tous les jours d'une façon différente. Tout ne peut pas se décrire. Et après avoir réussi à enfiler sa veste de quart, nous avons eu tous les matins : lundi matin, l'empereur, sa femme, et le petit prince... pour ne pas être complétement déboussolé !

Nous avons aussi assisté à de superbe lever de lune, imaginant qu'un OVNI était en train de nous poursuivre.

Nous avons rencontré des grains la nuit. Nuit noire, le vent change de direction, empannage, le vent forcit puis grosse averse. Réduction de voilure en urgence, stabilisation du bateau et c'est reparti. Certains ont géré ces surprises mieux que d'autres...

Les quarts sont restés probablement pour tout le monde des moments agréables.

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Les jours se ressemblent, chacun s'occupe à sa façon mais personne ne s'ennuie.

J'ai pu apprendre à jouer à la coinche, j'ai lu 2 livres, j'ai pensé à des proches, j'ai cuisiné du poisson, j'ai écouté 'sur les épaules de Darwin'.

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Les dauphins nous ont donné deux spectacles fascinants, une cinquantaine autour de du bateau, tous excités, faisant des sauts dans tous les sens...

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Trois ou quatre bêtes ressemblant à des requins nous ont suivi pendant toute une journée. On ne sait pas ce qu'ils cherchaient, nous, à manger ? Ou un abri du soleil ?

 

Nous assistons à tous les couchers de soleil, bien souvent un ti punch à la main.

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La nuit tombe, les premiers quarts débutent.

 

Nous avons eu un petit souci avec l'enrouleur en cours de route, il s'est bloqué. Il a fallu plusieurs heures voire un jour ou deux jours, à Jam et Bruch pour trouver une explication et une solution. Dans une manœuvre coordonnée avec tout l'équipage, nous avons pu affaler le génois et remplacer les 2 vis qui s'étaient délogées.

Un petit bruit venant de l'arriere du bateau nous a aussi interpellé. Là c'est le moteur du pilot-auto qui commençait à se faire la malle... il a fallu le refixer en cours de navigation, et pour ce faire, vider les coffres arrières. Au final, tout tient bon jusqu'à ce que nous arrivions à Salvador de Bahia.


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Dès le deuxième jour, nous pêchons. Nous relevons une superbe dorade coryphène. La première… mais pas la dernière… Nous avons pu manger du poisson frais durant 20 jours. Souvent midi et soir. Il a fallu de l'imagination pour la cuisson afin de varier les repas. Une trentaine de kilo de viande de poisson en tout. Principalement des coryphènes plus belles les unes les autres.

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Bleue-turquoise quand on la distingue dans l'eau, reflets or quand elle se débat, complètement dorée une fois sortie de l'eau, tachetée de points bleu sur fond blanc quand elle commence à mourir, puis grise. La chair est tendre, en ceviché, en marinade, sur lit d'avocat, à la tahitienne, au four, aux olives, en papillote, en parmentier, à la moutarde, panée, à la vapeur, dans les pâtes, dans le riz…

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Une autre espèce de poisson, le 'barracuda' ou le 'waou', comme disent les Cap Verdiens, poisson allongé aux dents pointues a atterri dans nos bols. Une viande différente, chair plus dense et bien blanche. Un vrai délice.


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Bruch avait mis à la traine une ligne avec un leurre crée de ses propres mains, un assemblage de morceaux de sacs plastiques. Au bout de quelques jours cela a fonctionné… et bien.

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Boris 103 a sorti de la mer la majorité des poissons pris par la canne à pêche. Toujours beaucoup d'excitation sur le pont quand la ligne défile... Vite, ralentir le bateau, quelqu'un au crochet ou à l'épuisette, un autre au gourdin pour la sentence finale.

Puis Caribou et Boris 103, comme un rituel, vidaient, découpaient, levaient les filets et en signe de respect pour le poisson, mangeaient les joues crues.

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Nous avions eu de mauvaises surprises au Cap Vert avec beaucoup de casse du matériel de pêche. Il parait que les records mondiaux de pêche au gros, c'est là bas!

Nous avions donc passé du temps à terre pour discuter des techniques et du matériel pour la traversée. Notamment avec Cipriano, à San Nicolao qui a pris une après midi à nous préparer des bas de ligne et changer le fil des moulinets.

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18 jours se sont écoulés, nous apercevons dans la nuit des lumières, La Terre, le Brésil est en face de nous.

Au petit matin nous voyons une grande grande ville, des hauts immeubles, c'est Bahia.


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Moi, j'ai peur. Beaucoup d'appréhension. On redevient des terriens, on s'embarque dans une grande ville, le bruit, le monde... Nous quittons cet univers si serrein...

Nous rentrons dans la baie. Le port. Nous sommes arrivés vendredi 21 septembre, 9h37 heure locale. Un peu moins de 19 jours...Nous allons boire notre première caipirinha au Brésil.

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Publié dans Atlantique Est

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M
Vous nous faites rêver! Top. Bravo.
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M
Un mot: GÉNIAL
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E
Bin moi je croyais que le ti punch se faisait avec du rhum blanc pas avec de la mirabelle de Nancy (très bonne au demeurant)!!!!<br /> Bon vent pour la suite, par Panama???<br /> Bises à tous<br /> Elgé
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L
Vous avez des mines resplendissantes ! Bonne suite pour votre périple! (j'avais cru un instant que vous aviez passé les 20 derniers jours à nettoyer Filou...)
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