De l'océan et du vent...

Publié le par filou-from-mars

P1010850.JPGBahia est atteinte, la terre ferme est bien là. Les quelques derniers mètres du ponton sont parcourus par nos pieds devenus marins et soudain c’est le béton, cette masse invariablement figée qui brise les vagues que nous avons vues danser pendant trois semaines au grès des vents et pour qui notre respect a grandi.

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D’accord Bahia, avec sa densité urbaine si près des côtes et son relief désavantageux, ce n’est pas la baie de Rio mais quelle chance avait cette cité qui se révèlera plus tard attachante ? Nous regardons tous la terre, réalisant qu’elle signifie la fin d’une aventure incomparable. Et ce n’est pas seulement la traversée de l’Atlantique à la voile que les grands navigateurs ont rendu éternellement célèbre et presque sacrée dans notre conscience collective, mais bel et bien la fin d’une relation intime avec l’océan, le vent, l’immensité mouvante d’un territoire qui ne sera jamais conquis par personne. Comment s’arracher à ce cadeau de la nature ? C’est vrai, nous n’étions pas tout à fait en autonomie et n’aurions pu poursuivre indéfiniment cette errance fantasmagorique, ce doux rêve insensé…mais quand même, qui de nous n’a pas penser remettre le cap sur le large, redonner à filou son élan glorieux, retrouver les puffins, nos fidèles accompagnateurs et tourner le dos à ce tintamarre, cette masse grouillante jouant des coudes pour quelques mètres carrés de propriété, cette bureaucratie qui n’en finit pas de voler les heures à l’océan? Encore quelques mètres et la porte de la marina enfermera derrière nous le souffle capricieux du vent qui poussa filou sans effort pendant trois longues semaines, engouffré parfois dans la trinquette pendant les grains, massant la grand-voile et le génois dans les moment de paresse mais toujours là, fidèle. Ce même vent faisant siffler notre éolienne, a conservé nos aliments, éclairé nos cabines, séché nos vêtements que la pluie détrempait pendant la nuit, donné vie à tout cette électronique embarqué qui aurait fait sur Magellan l’effet que ses miroirs et arquebuses produisait sur les doux et pacifiques habitants des futures iles Espagnoles. Ce même vent, il a fallu s’en méfier aussi, lorsque, quittant Sao Vicente, Filou s’engouffra à vive allure sur la route Sud, au large des côtes africaines, nous permettant de fuir les accès de colères de ce dernier dont la crainte des tourbillons flotta au-dessus de nos têtes pendant 5 jours qui resteront humbles dans nos mémoires. C’est le bruit du vent dans les voiles, au milieu de la nuit, effectuant sa besogne et couvrant le silence par une autre forme de silence qui soudain nous revient à l’esprit.
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Dans ces moments de solitudes, le vent se rapproche un peu, il se fait compagnon de route, et s’invite dans nos méditations. On se prend alors au jeu du délire, seul proscrit sur le radeau d’un monde couvert d’eau, à la recherche d’un objet flottant sur lequel quelqu’un aurait aussi trouvé asile, glissant droit vers l’infini, dans une sorte d’accomplissement total révélant soudain le sens caché de cette quête mystérieuse. Eh, eh, tu veux un truc chaud me demande Captain brodach? La porte est poussée enfin et se referme derrière nous. Le chef de la marina, Nelson, est accueillant, notre petite tribu de sept amis défait son cercle lentement. Pendant ces trois semaines, nous aurons partagé moins de trente mètres-carrés, les mêmes bouteilles d’eau préparées par Emmanuelle, les même filets de poissons offerts en abondance par l’océan aux larrons de pêche Gilles et Boris, la responsabilité de veiller sur les autres pendant les quarts, les efforts du quotidien, les moments de communion avec les dauphins, les émissions de philo et de biologie téléchargées, les rhums et la mirabelle, l’incessant séchage du lit de Thoma’ech, les partie de coinch enlevées de Laurène, toute l’intimité des dessous de Captain Brodach et ses blagues premier cru aux prises de quarts, les longues discussions nocturnes sous les rafales de poissons volants et les repas du soir, moments uniques de rassemblement, presque religieux de notre petite équipe…un bonheur tout simple. Les formalités de débarquement se déroulent tout doucement, nous avons changé de continent. Voilà, c’est un peu avec regret que nous achevons la traversée et quittons cette seconde nature que la mer et le vent nous ont donné pour un court instant sous la forme d’une liberté pleine. Mais Filou et ses joyeux lurons reprennent bientôt la mer et déjà d’autres « traversées »  sont évoquées.

Boris

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Publié dans Atlantique Ouest

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L
j'espère que la serie de caipirinhas est excellente!!... curieuse de connaitre la suite (still!!!)<br /> bises à tous
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E
Les commentateurs changent mais les écrits sont toujours aussi magnifiques chargés d'une force qui égale presque le sacré...<br /> Bon vent à ceux qui poursuivent le voyage, bons souvenirs à ceux qui ont débarqués.<br /> Elgé
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