Comme dans un rêve...en bleu

Publié le par filou-from-mars

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Santa Isabella est encore toute proche. La dernière île sur laquelle nous sommes passées aux Galapagos. La mer n'a jamais été aussi calme. Je crois même que c'est la première fois qu'elle est aussi calme depuis notre départ de Marseille il y a maintenant près de 10 mois. Pas une ride sur l'eau. Pas un souffle d'air. Le temps est beau. Il fait doux. Nous savons que nous partons pour quasiment un mois en mer. Notre plus longue traversée. La plus longue des traversées « classiques » qui soit décrite. Comme à chaque fois, il y a une part d'appréhension avant ces grandes traversées. Certes nous avons tout ce qu'il faut pour boire, pour manger, nous avons une bonne réserve de diesel pour les périodes sans vent. Nous avons téléchargé tout ce qu'il faut d’émissions radio pour occuper nos heures creuses. La météo ne devrait pas réserver de surprise non plus. Mais tout de même, nous partons pour 3000 miles, plus de 5500 kms sans aucune terre autre que celle que nous quittons et celle vers laquelle nous allons, les Marquises. Et quand je dis « terre », ce sont des confettis perdus au milieu du Pacifique.

Au delà de cette appréhension, il faut avouer qu'il est difficile de partir d'un tel endroit.

Tout le monde connaît les Galapagos. Tout le monde a vu au moins un reportage sur cet archipel à part. Tout le monde sait qu'on y trouve des tortues sans âge. Depuis Panama, chaque bateau rencontré a son idée sur les Galapagos. En bien ou en mal. Tout le monde rêve ou refuse d'y aller mais peu y ont posé les pieds.

Comment peut on ne pas aimer un tel endroit ?

Je dois dire que nous avons failli faire parti de ceux qui en disent du mal sans y être allé. Les Galapagos, c'est tout de même un énorme business cautionné par l 'inattaquable idée de la défense de la Nature. Tout est pensé autour de la réserve naturelle. En fait, chaque cm² du moindre petit îlot de l'archipel est considéré comme étant le parc naturel. A tel point que tout étranger pénétrant sur le territoire des Galapagos doit s'acquitter d'un droit d'entrée dans le parc de 100 dollars. On ne peut pas venir aux Galapagos voir des amis, on y vient forcément voir la Nature. Il y a pourtant plusieurs villes, relativement peuplées d'ailleurs, suffisamment peuplées pour que l'impact sur la dite Nature ne soit pas neutre. Aujourd'hui des dizaines de milliers de touristes débarquent chaque année sur les 3 îles habitées des Galapagos. Des dizaines de gros yachts pouvant héberger de 20 à plusieurs centaines de passagers prennent le relais pour faire visiter et plonger nos gentils amoureux de la Nature. Il faut compter entre 1000 et 4000 dollars l'excursion de quelques jours. Vous imaginez que cela n'a pas le moindre impact sur l'écosystème. Par contre, pour nous, bêtes à part que nous sommes avec notre petit voilier, on ne rentre pas dans les cases. On a de quoi se nourrir, de quoi se loger et de quoi se déplacer. Aucun intérêt financier en somme. Aussi, des lois ont cadré tout ça. Chaque voilier qui rentre sur le territoire doit prendre un agent (payant) pour le représenter auprès des autorités. C'est la première fois qu'on nous fait ce genre de coup. Pourtant entre l'Algérie, le Maroc, Trinidad et le Brésil, nous pensions avoir une belle expérience des joies et coûts administratifs. Aux Galapagos, c'est encore au dessus, les champions du monde de la paperasse. Une inspection en bonne et due forme est d'ailleurs prévue dès le premier jour d'arrivée. Pas moins de 5 personnes, chacune représentant une administration différente est montée à bord alors que l'ensemble de l'équipage est maintenu en quarantaine jusqu'à que celle-ci s'organise. Il faut bien évidemment payer chacune de ces personnes. Les poubelles sont scrutées ainsi que les fruits, légumes et autres produits frais à bord et tout un ensemble de recommandations dispensées. Au premier rang desquelles, nous apprenons que notre embarcation est clouée dans la baie de San Cristobal, l'endroit où elle a posé son ancre. Pas moyen d'aller de nous même vers les autres îles. Il faudra emprunter les ferrys officiels. A moins de payer. Et cher. Les choses sont, à l'évidence, rendues d'une complexité sans nom pour diminuer le nombre de voiliers. Pas assez rentable. Au fur et à mesure, nous nous rendons compte que moyennant finance, tout est en réalité quasiment possible. C'est à se demander si avec un beau chèque, il n'y a pas moyen d'embarquer une petite tortue en souvenir.

Et c'est cet aspect qui fait la réputation négative des Galapagos. L'horrible impression de se faire vampiriser autant qu'il est possible de le faire.

Mais pour le reste, attention aux superlatifs !

Nous pensions avoir déjà vu pas mal de chose au cours de notre voyage mais les Galapagos nous ont réservé un véritable festival. A peine débarqués, nous constatons un peu hallucinés qu'en pleine ville, il y a plus d'otaries que de chiens. Elles sont véritablement chez elles, se dorant au soleil où bon leur semble, au milieu de la route s'il le faut ou sur les bancs publics. Elles ne bougent pas d'un pouce quand nous passons à leur côté et c'est la police locale qui impose aux touristes une distance de sécurité. C'est que les gros mâles, de deux cents kilos parfois, protègent avec véhémence leur cheptel. Même si elles sont plus à l'aise sous l'eau, elles arrivent malgré tout à se déplacer assez vite sur terre et courser les touristes trop entreprenant. Scène surréaliste, un des policier a même fait arrêté la circulation pour qu'une d'entre elle puisse traverser. De véritables vaches sacrées !

 

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Les otaries sont tellement familières qu'elles n'hésitent pas à monter à bord des bateaux. Un soir, alors que nous revenons du restaurant, nous avons un mal fou à récupérer notre annexe laissée sur la digue. Entourée d'une vingtaine de spécimen dont trois vautrés à l'intérieur, il nous a fallu joué de ruse et s'armer de courage pour récupérer notre bien ! Leurs copains, les iguanes de mer sont eux aussi bien présents. Leur allure de petits dinosaures est tout à fait fascinante. Leur crête de dragon et leur queue dentée dissuadent leur assaillant potentiel. Ils se mêlent à la population avec la même tranquillité. Voila le décor de la ville où nous arrivons. Nous n'avons encore rien vu !

 

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Dès le lendemain de notre arrivée, nous nous embarquons sur un bateau pour plonger sur un rocher isolé à quelques miles des côtes, Léon Dormido. Vestige d'une explosion de cendres apprendra-t-on. Le site en lui-même est impressionnant. Le rocher est fendu en deux sur toute sa hauteur soit une centaine de mètres.

 

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Nous sommes les seuls plongeurs du bateau, tous les autres passagers étant là pour une sortie palme et masque. Nous plongeons justement dans la faille. Le spectacle ne se fait pas attendre. Nous sommes rapidement entourés de nombreux requins galapagos, petits requins d'un à deux mètres maximum. Puis de raies dorées, de raies aigle, d'otaries, de tortues de mer sans parler d'une foison de poissons tropicaux le long des parois, des minuscules hippocampes ou de banc de thonidés et autres poissons pélagiques . Ce n'est pas comme d'habitude où après une heure de plongée tout le monde parle de La tortue qu'il a croisé. Là, nous nageons littéralement au milieu d'une faune dense et variée. Il n'y a pas un instant de la plongée où notre regard n'est pas attiré par quelque chose. Et ce sans véritable crainte ou appréhension. Même quand nous croisons les beaucoup plus gros requins marteaux, le palpitomètre ne monte pas dans les tours. Nous sommes des spectateurs autorisés. C'est limite si les animaux font attention à nous. Je mentirais si je disais que je n'ai pas un peu sursauté quand deux requins pointe blanche qui se pourchassaient sont passés à moins d'un mètre de moi mais c'était plus de la surprise que de la peur.

 

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Quand nous regagnons la surface après nos deux plongées, nous nous demandons comment nous aurions pu louper ça. En somme, à elles seules, ces deux plongées auraient pu justifier notre venue sur l'île.

Pourtant, la même journée nous avons passé une bonne heure à nager avec les otaries, chorégraphes étonnantes sous l'eau, à observer les iguanes et les crabes rouges. La plupart des espèces est endémique des Galapagos et n'est présente nulle part ailleurs. Le plus hallucinant c'est avec quelle facilité, il est possible de s'approcher. Mieux, les otaries viennent à nous quand elles ne font pas la planche, tranquilles, le ventre au soleil, les nageoires en l'air. Autant elles sont parfois agressives à terre, sous l'eau, leur agilité leur permet la plus grande proximité puisqu'à souhait elles s'éloignent de nous si nécessaire. Leurs yeux expressifs, deux petites billes noires, leur petit museau et leur longue moustache en font de vrais stars photogéniques. Nous sommes tous restés sous le charme.

 

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Et tout ça, dans un cadre tout absolument magnifique. Il faut imaginer qu'en dehors de l'unique ville et d'une route qui traverse l'île, tout le reste est maintenu sauvage et interdit à l'homme soit plus de 90% de la surface. Une végétation dense de petits arbustes recouvre tout. La côte est rocheuse , des amas de lave refroidis brusquement au contact de l'eau, entrecoupée de splendides plages de sable fin. Seules quelques unes d'entre elles sont autorisées d'accès pour les bateaux accrédités. Le reste est comme au premier jour. Intact et sauvage. L'architecte du jardin d'Eden est venu ici pour s'inspirer. Bien lui en a pris.

 

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Les jours suivants seront du même acabit. Nous avons pu camper sur une splendide plage, après autorisation des responsables du parc et copies en trois exemplaires de la dite demande, bien sûr. Après une ballade dans l'intérieur de l'île autour d'un lac de cratère où les frégates viennent rincer leurs ailes. Oui, oui, ici, les frégates ont leur lac pour se rincer les ailes.

 

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C'est plus aérodynamique paraît il. L'étape suivante, nous avons pu aller faire un tour dans une ferme aménagée pour soigner et élever les fameuses tortues terrestres géantes. Un bon mètre de long à l'âge adulte, une énorme carapace quasiment semi sphérique et une tête de grand mère édentée. Plus d'une centaine d'années d'espérance de vie pour les plus solides. Avant l'arrivée des premiers navigateurs, Isla Cristobal comptait plus de 100 000 tortues géantes. C'était un trophée facile à transporter puisqu'une tortue peut rester sans manger ni boire pendant des mois. Parfait pour une traversée des océans en cale. Aujourd'hui, elles ne sont plus que 3000. Chacune est recensée. Elles portent, gravé sur leur carapace, leur matricule. Leur seul prédateur, les chats introduits par l'homme qui mangent les bébés à la carapace encore molle. Nous verrons d'ailleurs des petits de quelques jours. La ferme dispose d'un incubateur et récupère une partie des œufs dans la nature pour les faire se développer et élever les petits jusqu'à l'âge où elles ne craignent plus les prédateurs. De toute façon, en dehors de la période où la mère pond et couve ses œufs, il n'y a pas de période de sevrage et les petites tortues sont livrées à elles-même dès l'éclosion. D'où l'hécatombe auprès des chats affamés.

 

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La journée est déjà bien entamée quand nous atteignons notre campement. L'endroit est aménagé d'un barbecue et d'un espace défini pour les tentes. C'est parfait. Nous avons de quoi tenir deux jours sur place. Certes une partie de la journée, il y avait un flot de touristes qui venaient troubler le calme de l'endroit mais le reste du temps, nous étions seuls avec les otaries et les tortues. Nous nous rappellerons surement longtemps de notre petite sortie masque et tuba, un matin. Nous étions tous ensemble juste à 100 mètres de la plage, le long de la côte. Dans à peine 5 mètres d'eau, une petite dizaine de requins pointe blanche de plus de 2 mètres sont venus à notre rencontre nous signifier poliment mais clairement que c'était leur territoire. Nous avons insisté quelques instants mais avons dû décliner leur invitation à rester plus longtemps. Nous sommes restés cinq jours à San Cristobal, cinq jours qui valaient bien les tracasseries administratives.

 

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Nous avons quitté cette première île avec la ferme intention de ne pas en rester là. A une vingtaine d'heures, Santa Isabella est sur le chemin de notre traversée du Pacifique. Après une petite nuit de quart, nous nous réveillons près d'une île inhabitée, Santa Maria. Sylvain et moi choisissons un cratère à moitié immergé comme baignade du matin. Pour le coup, personne ne vient ici puisque c'est en dehors des parcours touristiques habituels. Nous plongeons le long d'une falaise rocheuse qui descend à plus de 100 mètre de fond. Une fois encore, c'est plein de vie. Filou nous a déposé et fait des ronds dans l'eau un peu plus loin. Nous sommes donc seuls. Les requins que nous avons croisés ce jour là, nous ont rappelé leur caractère sauvage. Ils n'étaient pourtant pas plus de cinq. Des requins galapagos. Mais cette fois là, nous avons dû les repousser avec nos palmes et un bâton de bois que nous avions sur nous. Leur insistance à vouloir se rapprocher de nous n'étaient pas feinte. C'est donc prudemment que nous avons rejoins le bateau.

Finalement, nous avons enfreins la loi. Prétextant une grave maladie d'un membre d'équipage, Thomas ayant eu réellement un peu de fièvre au moment de quitter San Cristobal, nous avons accosté une des autres îles habitées de l'archipel, Santa Isabella. Très différente, beaucoup moins luxuriante, dominée par un imposant volcan, cette autre escale a elle aussi été de toute beauté. Au delà des tracas administratifs pour justifier cet arrêt pour cause de force majeure (un médecin a même été diligenté pour vérifier nos déclarations...), nous avons pu en quelques heures profiter encore de la profusion de vie sauvage. Certes nous n'avons pas pu faire tout ce que nous voulions, coincés que nous étions par notre statut de réfugiés maritimes mais c'était déjà incroyable. Si San Cristobal faisait la part belle aux otaries, Santa Isabella affectionne les iguanes. C'est par centaines qu'ils arpentent les îlots et la ville. De toutes tailles et de tous âges. Les frégates géantes, les fous pattes bleues et les pélicans dominent eux les airs.

 

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Autre découverte marquante, les requins dorment. Au détour d'une petite crique bien protégée, nous avons pu observer des requins quasiment les uns sur les autres, posés au fond de l'eau. C'est leur manière de dormir en journée. La nuit, ils chassent. Le plus incroyable est de pouvoir les observer depuis le bord de l'eau.

Avant de lever l'ancre, une dernière danse avec les otaries pour se saluer correctement sous l'eau. On ne s'en lasse pas.

 

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Santa Isabella est encore toute proche.

Nous avançons lentement, moteur à bas régime. Nous avons toutes ces images en tête. Le long du bateau, des tortues dorment à la surface de l'eau. Cela nous étonne à peine. Un peu plus loin, un beau requin marteau passe sous le bateau. L'eau est claire et nous le voyons nettement. L'eau est tellement calme qu'on remarque le moindre mouvement. Plusieurs fois, nous verrons des ailerons sortir de l'eau puis disparaître doucement. Normal, nous sommes aux Galapagos ! La dernière surprise sera de taille. A quelques mètres de nous, une dizaine tout au plus, un énorme requin fait surface. Tellement gros que nous pensons aussitôt au requin baleine des Perlas. Mais ce n'est pas un requin baleine. Un requin tigre, blanc, nous ne saurons pas. Il doit faire 4 à 5 mètres. C'est gigantesque. Il avance tranquillement, son massif aileron fendant l'eau.

 

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Nous le suivons quelques secondes avant qu'il plonge. Nous sommes scotchés sur place d'avoir croisé une telle bête.

 

Ce sera une des dernière image des Galapagos avant que Santa Isabella disparaisse à l'horizon.

 

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Publié dans Pacifique

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E
Des images comme ça vous pouvez en envoyer autant que vous voulez je ne me lasse pas de les regarder et de phantasmer sur un séjour aux Galapagos (vieux rêves d'enfants qui se réalisera peut être<br /> un jour....ou pas!!!)<br /> Bises à tous<br /> Bon vent pour les 3000 miles qu'ils vous restent à couvrir<br /> Elgé
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