Eyes of tiger
L'arrivée de Jérome et Loïc a certainement contribué à inverser la tendance. Il fallait de toute façon que l'on sorte de cette spirale de la loose. Mes deux potes apnéistes ont donc servi de prétexte et de motivation pour nous extirper de Tahiti. A peine arrivés, ils ont d'ailleurs été embarqué dans un petit vol en parapente pour les aider à lutter contre le décalage horaire. Efficace à ce qu'ils m'ont dit. Le lagon vu du ciel a donc une action sur la mélatonine...
Très rapidement, un premier saut de puce nous mène à Moorea, la jolie et très proche petite île à quelques heures de navigation sur laquelle on a vu le soleil se coucher depuis notre arrivée.
A la fois, un premier test de navigation pour Laurène et moi qui finissions par nous demander si nous verrions un jour Filou voguer à nouveau et une bonne manière de casser le rythme imposé par Tahiti. C'est bête à dire mais rien que de sortir de la passe nous a donné du baume au coeur.
Même si Moorea est très courue avec ses 5 ou 6 ferrys quotidiens depuis Papeete, elle n'en reste pas moins une superbe île loin du tumulte de sa voisine. Très verte, plus petite, entourée d'un beau lagon, les tahitiens y viennent s'y détendre le weekend pour une petite marche ou une journée à la plage. De notre côté c'est sous l'eau que nous avons passé le plus clair de notre temps. De ce point de vue là, j'ai trouvé mon maître. Dès que le jour est levé, vous pouvez être sûr que Loïc est dans l'eau. Il nous a même entraîné dans ce qui me semblait improbable en Polynésie à savoir une ballade de nuit à la lampe torche sous-marine. Pour moi, la nuit devait rester le domaine des prédateurs donc les requins...pas pour Loïc.
Notre avons d'abord mouillé sur un beau plateau de sable, peu profond parsemé de quelques patates de corail. De jour c'est le territoire des raies aigles et pastenagues que nous voyons depuis le pont du bateau arpenter tranquillement les fonds.
De nuit, c'est un autre festival de crustacés et d'une toute autre faune. L'émotion de s'immerger dans le grand noir à l'arrière du bateau est intense. Les couleurs qui ressortent sont beaucoup plus tranchées que de jour où elles sont filtrées par le bleu de l'eau.
Autre grand moment, la sortie apnée dans la passe à la rencontre des dauphins. Ils n'ont pas été difficile à trouver, leur curiosité les poussant à venir eux-mêmes observer ces étranges êtres palmés. C'est d'ailleurs leurs petits cris qui nous signalent d'abord leur présence. Ils nous offrent alors un joli ballet, sortant en cadence de l'eau pour replonger ensuite bien alignés à la verticale vers les profondeurs.
Ce sera un des fils rouges de notre escapade à Moorea. A chaque passe, nous nous sommes immergés derrière Filou à la rencontre des mammifères joueurs.
Mais le temps nous est compté d'autant que lors d'un test, le pilote auto a de nouveau lâché. Entre deux sorties apnées je le démonte pour la n-ième fois. Nous nous organisons tout de même une petite chasse sous-marine qui durera jusqu'à la nuit histoire de manger un peu local. Quelques rougets (poissons écureuil me corrigera LoÏc) accompagnés de poissons chèvres garniront nos assiettes ce soir là.
Mais déjà, nous mettons le cap du retour vers Tahiti. Une autre plongée nous attend. Elle nous hante depuis que nous en avons parlé avec le petit club qui va nous l'organiser. Comme souvent la plongée a un petit nom. Mais cette fois ce n'est pas le site visité auquel il fait référence mais ce que nous devrions voir: la plongée Tigre.
Dans la sympathique classification mondiale des requins les plus dangereux, notre ami le Tigre est juste derrière le trop fameux requin blanc. En effet, avec ses 5 à 6 mètres à l'âge adulte et sa masse, on peut facilement le comprendre. Or, non loin du récif qui longe la marina où nous sommes, une équipe spécialisée a pu observer ces rares requins par un travail de près de 15 ans. L'animal vit normalement dans les grandes profondeurs mais remonte parfois vers la surface quand il sent une proie en détresse. Un cachalot blessé et voila nos grands nettoyeurs à l'oeuvre. Photographiés, comptés, parfois marqués par des puces électroniques qu'on leur fait ingérer, une quarantaine de spécimens a ainsi pu être référencée. Essentiellement des femelles, les mâles se faisant plus discrets.
Michel, notre accompagnateur est passionné par le requin tigre depuis 20 ans. Si vous avez vu des reportages sur ce requin en Polynésie, il est toujours de la partie. Infirmier à l'hôpital de Papeete, il se libère dès qu'il peut pour aller observer son animal fétiche.
Cette plongée, un peu différente il est vrai, s'organise à la journée. En effet, on ne va pas voir le Tigre aussi facilement, il faut le motiver. Pour cela, quelques belles têtes de thon récupérés le matin même par nos accompagnateurs feront l'affaire. Elles sont enfermés dans le tambour d'une machine à laver qui est ensuite immergée sous le bateau. C'est l'étape "smelling", où les effluves de chair morte vont titiller le grand prédateur. Et puis, on attend. Chacun à son tour nous nous mettons à l'avant du bateau, à l'aplomb de l'appât pour repérer la bête. Déjà tous les autres requins proches sont au rendez vous: pointes noires, pointes blanches, requins gris et même plusieurs gros requins citron tournent dans les environs.
Ils nous faudra attendre plusieurs heures avant que Michel, un des accompagnateurs ne crie "TIGRE" en crachant son tuba.
Nous nous équipons alors en quelques minutes de notre matériel de plongée. Une précipitation frénétique anime le petit bateau. Elle est sous nous, elle fait plus de 4 mètres et tourne autour du tambour qui devant elle ressemble à un dés à coudre. Elle le pousse de son museau, tente de comprendre d'où vient cette bonne odeur. Par contre aussitôt immergés, elle s'enfuit, certainement trop inquiète de notre présence. J'avoue que quelque part, pour une première fois, je préfère qu'elle ait cette qualité plutôt que la curiosité...
Pointes noires
Pointes noires
Requin citron
Requin gris
Requins gris
Nous ferons quatre fois cette plongée et observeront 3 spécimens différents. L'un d'entre eux était justement beaucoup moins timide et est venu "au contact" comme il faut dire...Impressionnant est un bel euphémisme. La taille de la bête, sa belle robe bariolée, son museau aux angles vifs en font un animal magnifique. Même si nous l'avons vu déchiqueter les têtes de thon les unes après les autres, nous n'avons jamais craint une attaque. Au cours de l'étape "Feeding" où le tambour chargé de viande de thon est ouvert, l'animal nous frôle, nous sent, nous voit surement même s'il a une très mauvaise vue mais ne semble pas du tout intéressé par nous. Tellement proche de lui, nous avons même pu observer ses yeux se refermer au moment où ses mâchoires saisissent la proie, réflexe de protection dans ces moments de lutte. Nous avons plongé avec le tigre. Il faut que je me le répète pour y croire...
Alors que je finis de remonter, une dernière fois je l'espère, le pilote automatique, le bateau a été préparé pour le vrai départ. Les coffres et le frigo sont plein de tout ce qu'il faut pour manger et pour boire pour plusieurs semaines, les pleins d'eau et de gazole faits, cette fois nous partons vraiment.
Fini Tahiti et ses embouteillages, à nous les atolls des Tuamotus.
Une fenêtre météo nous permet d'envisager une traversée tranquille sans trop de vent. Cap au Nord Est vers Tikehau.